Le Blogue du BSL

Le parc national du lac-Témiscouata sous enquête archéologique

Jeu, 19 septembre 2019


Plusieurs parcs nationaux au Québec proposent des activités aux villégiateurs : interprétation de ci, sensibilisation à ça. On y observe sans cueillir, on y apprend sans chercher. Au Parc national du Lac-Témiscouata, je suis tombée sur quelque chose qui m'a emballée. La « vraie affaire » plutôt que l'animation : on peut y participer à des fouilles archéologiques.

Soit dit tout de go : ce parc est le seul qui emploie une archéologue à demeure. Elle-même dans l'action tout autant que dans la réflexion, elle sait tailler la pierre pour en faire des pointes de flèches. Elle est donc capable d'évaluer la qualité du travail des chasseurs artisans d'il y a 5000 ans! Marianne-Marilou Leclerc ratisse son terrain avec la passion d'une enquêteuse et la parfaite conscience qu'on est plus d'un à lui envier son métier et son environnement de travail.

Dans cette zone du Témiscouata où trône une montagne de chert, cette roche dure et cassante comme le silex, idéale pour la confection de projectiles, on n'est pas comme à la pêche pas de poisson. Sur les bords de la rivière Touladi, les sites d'intérêt abondent. En effet, ce territoire est riche puisqu'il s'agit d'un lieu de passage entre la baie de Fundy et le fleuve Saint-Laurent pour le peuple de la Grande Rivière, appelé aussi Malécites ou Wolastoqiyik.

 

C'est sur l'un de ces sites situé dans une aire du parc joliment appelé le Jardin des mémoires que j'ai passé tout un après-midi en compagnie de la cheffe de chantier et d'une famille d'archéologues en herbe. C'est incroyable ce qu'un bout de caillou peut raconter. Rougi et fendu bien à plat, il a chauffé dans le rond d'un feu. Facetté d'un côté, c'est sûrement un éclat d'une pointe de flèche qu'on taillait au bord du feu. De minuscules morceaux d'os et de charbon de bois semblent confirmer qu'on y a cuisiné et peut-être séjourné quelques temps. Même les petits cailloux les plus insignifiants en apparence révèlent que le rond de feu a été remblayé sous le mocassin d'un Malécite ou la botte d'un travailleur forestier.

En effet, le site d'un camp de bûcheron se superpose en partie au précédent, lui aussi choisi à proximité de la rivière. Dans la petite boîte des objets trouvés quelques jours plus tôt sur le site de fouilles, j'y ai reconnu une clé qui servait à ouvrir une boîte de sardines. En bon enquêteur que tu es, lecteur, tu pourrais judicieusement en déduire que j'ai plus de cinquante ans… Et moi, j'en déduis que le « cook » de ce camp forestier préférait le cannage importé à l'anguille fumée du fleuve!

Après trois heures à gratter à la truelle, à balayer au pinceau, à mesurer l'emplacement précis de chaque artéfact trouvé, à se faire raconter des histoires presque vieilles comme l'humanité, Marianne-Marilou nous a montré un objet exhumé là, dans ce même trou quelques jours plus tôt : une belle roche en partie taillée. On a vu la lumière du soleil la traverser en transparence. Et moi, j'ai vu du soleil briller dans les yeux de la chercheure : cette pierre ne peut provenir que d'une seule carrière, quelque part dans les Torngats au fin fond du Nord du Québec. Cet objet de luxe a dû passer de main en main lors de grandes tabagies ou d'échanges commerciaux aux frontières inuites, cries, attikameks, innues puis malécites. Tout un voyage!
 

Le parc offre des activités connexes avec l'archéologue, soit un atelier de taille de pierre, et une rencontre où elle raconte la grande épopée humaine qui s'écrit depuis 10 000 ans sur le territoire.
www.sepaq.com/pq/tem

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