Tourisme Bas-Saint-Laurent

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Sauver mon crabe!

Laura Martin, rédactrice

Rédaction

Laura Martin, elle nous partage ses coups de coeur et ses trouvailles pour notre plus grand bonheur !

Vous en pincez pour le crabe? Vous l’attendez chaque printemps comme une récompense, une médaille de bravoure à dix pattes, après avoir survécu à un autre rude hiver? Ne le tenez pas pour acquis. Selon le collectif Mange ton Saint-Laurent!, il y a lieu de s’inquiéter pour votre précieux crustacé, qui pourrait se faire plus rare dans notre fleuve à l’avenir.

Heureusement, il y a de la lumière à la surface de l’estuaire. On décortique la situation avec un membre du collectif, Gabriel Bourgault-Faucher, chercheur en sociologie et en économie des pêches. 

Comment se porte le crabe des neiges au Bas-Saint-Laurent? 

C’est une grande question! La ressource se renouvelle généralement sur des cycles de 8 à 11 ans, faits de pics et de creux de vague. Alors qu’on s’attendait à une légère remontée cette année, on constate plutôt un retard dans le cycle de reproduction.

On est toujours dans le bas de la courbe. Basés sur les estimations de biomasse de Pêches et Océans Canada, les quotas de pêche ont donc été réduits de 20 % cette année.  

 

Quelles pourraient être les causes de ce ralentissement? 

D’une manière générale, on s’inquiète de la diminution du couvert de glace et du réchauffement de la température de l’eau.

Comme son nom l’indique, le crabe des neiges est une espèce d’eau froide. Son habitat se contracte donc sous l’effet des changements climatiques. Il faut en être conscients: on se trouve à une époque de grands bouleversements dans l’écosystème du Saint-Laurent. 

Est-ce qu’on pourrait assister à sa lente disparition, comme celle de la crevette nordique, qui a mené à la fermeture de l’usine de transformation à Matane en 2024? 

Disons qu’on peut tirer des leçons de cet exemple tout frais. Il est encore temps d’agir afin d’éviter que le même scénario catastrophe se répète. Au Québec, depuis les belles heures de la morue aux 18e et 19e siècles, on a malheureusement pris le mauvais pli de développer des industries monospécifiques, en mettant tous nos œufs dans le même panier. C’était le cas à Matane, avec la crevette nordique. Quand la ressource décline, tout tombe.  

C’est la même chose avec le crabe. Pour gagner en productivité, toute l’industrie est centrée sur un seul produit, ce qui la rend très vulnérable aux changements climatiques, mais aussi aux conjonctures politiques, comme on l’observe présentement. Environ 80 % des stocks de crabes sont vendus aux États-Unis. On voit le danger que cela représente quand une menace tarifaire pointe. 

Qu’est-ce qu’on pourrait changer, donc, pour contribuer à la survie de cette industrie si précieuse? 

Pêcher moins, mais pêcher mieux. De plus en plus d’actions sont prises en ce sens. Si on diversifie les engins de pêche afin de diversifier les espèces qui sont pêchées, la pression sera moins forte sur le crabe, qui représente actuellement 40 % de la valeur économique de nos pêcheries (le double de la crevette nordique!).

Pour rentabiliser le produit, on peut aussi diversifier sa transformation. Actuellement, on vend le crabe d’une seule et unique façon : en sections. On peut valoriser les carcasses, extraire la chair pour cuisiner du prêt-à-manger… Il faut simplement enlever nos ornières et penser différemment. 

La Porte Arrière, Rivière-du-LoupJean-François Lajoie

Depuis la COVID et encore plus depuis le début de la guerre commerciale avec les États-Unis, on parle beaucoup d’autonomie alimentaire au Québec. Ne gagnerait-on pas à vendre le crabe moins cher aux Québécois, afin de le rendre plus accessible et de devoir en exporter de moins grandes quantités? 

Le crabe ne pourra jamais être vendu à des prix très bas. C’est une pêcherie qui repose sur une première pêcherie d’appâts, ce qui augmente considérablement ses coûts de production.

Notre recommandation est plutôt de créer un mécanisme de détermination des prix, qui serait en vigueur sur le marché québécois et qui serait fondé sur les coûts de production. Une partie de la production serait réservée à notre marché. Ça rendrait l’industrie moins vulnérable aux flambées et aux chutes de prix des marchés mondiaux. 

Le crabe ayant la cote depuis longtemps, quelle espèce vivant dans nos eaux mériterait de devenir la nouvelle «sensation» de nos repas du dimanche? 

L’oursin a un grand potentiel! On peut même se servir de sa coquille comme décoration! La mission de Mange ton Saint-Laurent! est d’informer le public sur les différents enjeux scientifiques et sociétaux, ainsi que sur les initiatives porteuses en lien avec les pêcheries et le développement des communautés côtières du Québec maritime.

On travaille très fort pour stimuler la demande pour les produits de la mer, tout en s’assurant que l’offre se structure. J’ai beau vous inciter à manger des oursins, si vous n’en trouvez pas en épicerie, ça ne nous mènera à rien. Mais on observe un mouvement intéressant en ce moment. On sent que des choses se passent. C’est bon signe. 

 

Fondé en 2018 par deux professeurs-chercheurs, le collectif Mange ton Saint-Laurent! regroupe des passionnés issus de milieux et d’expertises variés qui souhaitent que les Québécoises et Québécois découvrent et s’approprient les ressources comestibles du fleuve, de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent. 

Merci à Gabriel Bourgault-Faucher, chercheur en sociologie et en économie des pêches pour sa collaboration.

Mange ton Saint-Laurent